Quart-de-queue portant le n°10619, sorti des ateliers Pleyel en 1843, finition en acajou moucheté. Contemporain de notre carré
Erard n°16159.
Ces pianos sont souvent désignés “Pleyel Chopin” du fait de leur contemporanéité d’avec le célèbre compositeur, conférant ainsi à l’instrument un caractère mythique. Si leur mécanique est réputée pour son réglage difficile, leur sonorité demeure largement appréciée des pianistes de tout bord.
Ce piano porte les marques d’un passage chez Pleyel à la fin du XIXe siècle (sans donte dans les années 1870) : peinture du cadre modifiée, feutres remplacés par un code couleur postérieur, cordes filées remplacées par des modernes… et disparition du logo d’époque.
Le plan de cordage a été revu intégralement afin de réduire la tension de l’instrument tout en lui permettant un diapason de 435 hz : le piano peut ainsi y être accordé tout en n’ayant que 80% de la tension globale originale conçue en 1843. Les cordes blanches ont été réalisées sur du fer type D de Malcolm Rose ; quant aux cordes filées, elles ont été fabriquées par Patrice Carrère, sur une âme en acier Paulello type 1. Elles sont filées de bout en bout, conformément au modèle d’origine, décelable uniquement grâce aux petites marques discrètes laissées autrefois sur le chevalet.
Le cadre a retrouvé sa couleur d’origine, dite “Vert de Paris”. Il s’agit ici d’une peinture à base de bronze et de pigments mélangés. Les feutres ont été également remplacés par un tissu de même couleur (tissus de Cardhaillac).
Restauration de décembre 2020 à août 2022.
Vue générale de l'instrument en l'état (1/2)
Vue générale de l'instrument en l'état (2/2)
Détail des chevilles. On y voyait des jauges, autrefois. Le vernis du sommier de chevilles porte des traces de dissolutions, sans doute une mauvaise intervention passée avec un nettoyant inadapté.
Détail des cordes, étouffoirs et marteaux.
La dorure du cadre résulte d'une intervention plus tardive, probablement dans le dernier quart du XIXe siècle.
Le vert-de-gris n'est pas seulement le fruit d'une oxydation qui serait curieusement forte ici : elle rappelle la tonalité originelle du cadre et des parties métalliques qui étaient Vert-de-Paris
Retrait des vis de renforts (détail du déblocage).
La vis libérée avec peu d'efforts.
Les renforts enlevés, il est aisé de découvrir les dessous de la crasse.
Retour au vert pour le cadre. La colorimétrie de la photo est assez fidèle à la réalité : le vert employé devait donc tirer vers le foncé.
Retrait des agrafes et des sillets
Polissage des agrafes et des sillets
Nouveau vernis, nouvelles jauges. Les anciennes étaient effacées (à part quelques fragments), et le vernis fondu. Ici, on a reporté les références du nouveau plan de cordage (via StringIt de Jean Louchet) dans les jauges équivalentes chez Pleyel à l'époque, ce qui constitue un mélange étonnant d'ancien et de moderne.
Reprise du vernis de la table d'harmonie. Bien des taches ont été vaincues (surtout les plus graves), mais certaines sont restées.
Le cadre, les renforts et les vis ont retrouvé une couleur verte proche de l'original que l'on pouvait trouver sous la dorure rajoutée tardivement (et qui ne fut pas difficile à enlever). Ce n'est pas tout à fait fini, mais le mariage du vert et de l'acajou, qui peut surprendre a priori, rend plutôt bien.
Ces bandes de cuir serviront de sous-garnitures pour les feutres recevant les cordes au niveau du sommier, un endroit soumis à l'écrasement permanent et que l'on retrouve souvent dans un état pitoyable au bout d'un siècle. Nous avons mis ce nouvel arrivage à l'épreuve sur nos pinces, qui servent à former les terminaisons d'accroche des cordes. Collées entre les mâchoires de la pince, les garnitures évitent de marquer le métal et de l'abimer. Elles ont remarquablement tenu sur plus de 200 cordes, là où les autres avaient échoué. Il s'agit d'un cuir de vachette (plus souple qu'à l'habitude) provenant de notre fournisseur habituel Cuir En Stock
Mise en place du nouveau feutre, directement dans les pointes d'accroche
Détail qui a son importance historique sur le chevalet : les petites stries dans les traces laissées par les anciennes cordes. Cela signifie que le piano n'était pas pourvu de ses cordes de 1843 lorsque nous l'avons reçu. En effet, celles qui ont été enlevées ici ne comportaient pas de filage en cuivre au niveau du chevalet : le filage s'arrêtait avant, comme sur les pianos actuels, pour ne laisser que l'âme nue en acier, jusqu'au bout de la corde. Cette trace est la preuve qu'à l'origine, le filage était sans doute porté au-delà du chevalet, c'est à dire de bout en bout, de la cheville à la pointe d'accroche... Comme c'est d'ailleurs le cas sur notre carré Erard de 1843.
Nettoyage de la barre des étouffoirs, où le hêtre se distingue maintenant de la poussière