Voilà un cas devant lequel beaucoup seraient passés sans un regard : et pourtant, il a tout de même un intérêt historique. Horugel, marque allemande, fut rachetée dans les années 1970 par le coréen Samick. Ce piano droit, peint en noir, est typique de la facture industrielle asiatique montante, avant l’explosion dans les années 1980. Mais à y regarder de plus près, des détails nous montrent que la datation est beaucoup plus délicate qu’il n’y paraît.
Interventions réalisées en septembre-octobre 2020.
Si le cadre, les cordes et les chevilles sont tout à fait modernes, les pilotes de touches, et surtout les pièces rapportées de la table d'harmonie suggèrent un recyclage de stocks plus anciens, voire d'anciens pianos de diverses origines. J'ai déjà rencontré cette pratique sur des pianos d'Allemagne de l'Est (Hupfeld) de la même époque, où plusieurs numéros de série sont visibles.
La jeune RFA rencontre la Corée du Sud, vingt-cinq ans plus tard. On notera la date au format américain : Horugel était probablement déjà fabriqué par d'autres après-guerre.
L'arrière de la mécanique : plus de rouille que de casse.
Vue de face, la mécanique ressemble effectivement plus à un modèle des années 1940.
Les axes de fourches sont usuellement en acier (et dérivés) ou en laiton. En évacuant les déchets, j'ai remarqué qu'ils n'étaient pas attirés par l'aimant, bien pratique pour rassembler toutes ces petites chutes de métal. J'ai estimé leur masse volumique à 2139 kg/m3. Conclusion : ces axes sont probablement en aluminium, chose pas forcément courante.
L'indépendance de l'artisan est une question fondamentale. Comment faisaient les anciens, en l'absence de fournisseurs et de catalogues « spécialisés » ? Les axes sont un bon exemple : le diamètre standard des clous est de 1,3mm, ce qui correspond au diamètre courant de bien des pivots rencontrés dans les pianos. Ici, coup de chance, les anciens pivots en aluminium de 1,27 mm de diamètre seront remplacés par des clous en laiton de 1,3mm que l'on n'aura guère eu besoin d'aller chercher très loin.
On trouve bien souvent des pivotages non finis sur les pianos : l'usage est pourtant de les limer afin d'avoir un rendu propre.
Un nom japonais sur la première touche...
Un autre nom sur le dessous...
On remarque que tous les revêtements plastique ont été collés sans la moindre retouche. Pourtant, le clavier semble régulier une fois posé. Il est donc probable que les touches soient également recyclées, et que les revêtement aient été posés directement sur le clavier, sans sortir les touches.
Bien que le collage ne soit pas du tout réparti comme il faut, je dois reconnaître que cela ne produit pas de claquement parasite.
Des journaux anglais parlant de Francfort. Alors, Allemand, Japonais, Coréen ou Américain ? Un piano bien cosmopolite.